Agression au travail : comment l’aborder et la prévenir ?

Les  agressions au travail, qu’elles émanent de clients ou de collègues, constituent un problème grave qui affecte de nombreux travailleurs en Belgique. L’agression au travail se définit comme toute situation où une personne est menacée ou agressée psychiquement ou physiquement lors de l’exécution de son travail.

Dans cet article, au travers du témoignage de Rym Mimouna, conseillère en prévention aspects psychosociaux, et de l’exemple du secteur de la vente au détail , nous explorerons les différents types d’agression, le rôle crucial du conseiller en prévention aspects psychosociaux et les solutions pour prévenir les agressions et améliorer le bien-être des travailleurs .

Rym Mimouna est psychologue clinicienne de formation. Après avoir travaillé dans une ASBL sur différents projets dans le secteur hospitalier et en psychiatrie, puis aux urgences psychiatriques, elle s’est réorientée en suivant un Master en gestion des risques et bien-être au travail. 

Ses tâches sont très diverses. Elle participe à l’établissement de la politique RH, participe parfois aux réunions du CPPT à la demande des clients, donne des formations et réalise des analyses de risques spécifiques ou globales. Les travailleurs peuvent la contacter s’ils sont confrontés à un risque psychosocial , notamment des agressions.

Les différents types d’agression

Les agressions au travail peuvent être de nature diverse. On fait la distinction entre d’une part les agressions externes, commises par des tiers, à savoir les clients, les fournisseurs, les préposés à la sécurité et au nettoyage et d’autre part, les agressions internes commises par des collègues ou des supérieurs.

Tout d’abord, il y a l’agression verbale, qui se manifeste notamment par des blagues humiliantes ou salaces (harcèlement sexuel d’ambiance), des insultes, des cris et des menaces. Ensuite, il y a l’agression psychologique, qui peut prendre la forme de harcèlement moral, de comportements intimidants ou de manipulation émotionnelle. Enfin, il y a l’agression physique, qui peut aller des gestes menaçants à des actes de violence physique ou du harcèlement sexuel.

Le rôle du conseiller en prévention

Le conseiller en prévention aspects psychosociaux est compétent pour l’ensemble des risques psychosociaux au travail, aussi bien en ce qui concerne le volet informel que formel.

  • Lorsqu’un travailleur ressent des risques psychosociaux au travail, il peut contacter le conseiller en prévention afin d’organiser un entretien au cours duquel le conseiller pose le cadre (confidentialité), laisse le travailleur exposer sa situation et lui présente les différents types d’interventions.

  • Il traite les demandes d’intervention psychosociales informelles des travailleurs. Le conseiller en prévention est familiarisé avec leur culture d’entreprise, leur jargon et leur façon de travailler, ce qui peut faciliter les interventions et les échanges en lien avec les situations remontées. Le conseiller en prévention procède notamment par le biais d’entretiens, d’interventions auprès d’une autre personne de l’entreprise et de conciliations.

  • Il traite aussi les demandes d’intervention psychosociales formelles des travailleurs et saisit l’inspection du Contrôle du bien-être au travail dans certains cas particuliers, entre autres lorsque des faits de violence ou de harcèlement moral ou sexuel sont concernés.

  • Lorsqu’un travailleur estime être victime de violence ou de harcèlement de la part d’un tiers, il doit pouvoir inscrire une déclaration dans le registre de faits de tiers. Cette déclaration contient une description et la date des faits, l’objectif étant de faire un reporting collectif et anonyme dans le rapport annuel de chaque entreprise afin de voir quelles mesures de prévention il convient de mettre en place.

Ce registre est tenu par la/les personne(s) de confiance ou le conseiller en prévention interne en l’absence de personne de confiance. Le conseiller en prévention aspects psychosociaux y a accès. Malheureusement, le nombre de cas consignés dans ce registre ne reflète la plupart du temps pas la réalité. À titre d’exemple, 56 faits de tiers ont été enregistrés chez l’un de nos clients du secteur de la vente au détail en 2023. Si ce chiffre reste assez stable d’une année à l’autre, les travailleurs se plaignent néanmoins d’une augmentation des agressions.

Les travailleurs les plus à risque

Les personnes les plus à risque dans le secteur de la vente au détail sont celles qui travaillent au « front end » (accueil et caisses). En effet, les clients reportent leurs frustrations vécues dans le magasin chez la caissière, par exemple s’ils ne trouvent pas le produit qu’ils recherchent ou en cas de problèmes liés aux tickets de caisse, comme une promotion mal encodée. 

Les agressions de la part des clients sont à ce titre plus nombreuses que celles entre collègues. Si les travailleurs plus jeunes présentent plus de risque de subir des agressions internes, car leurs contrats sont souvent plus précaires (ce qui peut constituer un levier d’intimidation ou de menace), ils ont néanmoins davantage tendance à signaler une agression que leurs collègues plus âgés.

Prévention des agressions et solutions

Pour prévenir les agressions au travail en Belgique, les employeurs peuvent mettre en place plusieurs mesures.

  • Tout d’abord, il est essentiel d’investir dans la formation des travailleurs sur la gestion des conflits et la communication efficace. Pour la prévention primaire, il existe des formations adaptées selon les secteurs. Par exemple, des ateliers sur le respect au travail , adaptés à la réalité du terrain, sont organisés par Attentia Academy . On y présente des exemples de situation sur le manque de respect, la violence verbale ou physique. Les travailleurs peuvent ainsi mieux faire face aux situations difficiles et désamorcer les tensions avant qu’elles ne dégénèrent en agression.

  • Ensuite, notamment dans le secteur de la vente au détail , les employeurs peuvent renforcer la sécurité dans les magasins en installant des systèmes de surveillance, en recrutant du personnel de sécurité qualifié et en mettant en place des procédures d’urgence en cas d’incident.
  • Par ailleurs, il est important de créer un environnement de travail favorable au bien-être des travailleurs. Cela peut passer par des mesures telles que la réduction des heures de travail, la promotion d’une culture d’entreprise basée sur le respect et la solidarité, ainsi que la mise en place de programmes de soutien psychologique, comme l’Employee Assistance Program  qui donne droit aux collaborateurs à un accompagnement selon différentes modalités en fonction des contrats.

  • Enfin, les employeurs peuvent collaborer avec les autorités locales et les organisations de défense des droits des travailleurs pour favoriser l’élaboration de politiques gouvernementales visant à renforcer la protection des travailleurs contre l’agression au travail.

En conclusion, l’agression au travail en Belgique constitue une problématique sérieuse qui nécessite une réponse proactive de la part des employeurs. En mettant en place des mesures de prévention efficaces et en veillant au bien-être des travailleurs, il est possible de créer un environnement de travail plus sûr et plus sain pour tous.